Security Defense Business Review

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L'ONERA : une pépite sacrifiée par le gouvernement ?

L’Office National d’Études et de Recherche Aérospatiales (ONERA) a été créé le 3 mai 1946. Cette création s’inscrivait alors dans l’affirmation d’une politique ambitieuse visant à redonner, au sortir de la seconde guerre mondiale, à l’industrie aéronautique et à la Défense françaises un haut niveau d’excellence scientifique et technique. C’est pourquoi l’État français avait notamment confié à l’ONERA la mission de développer et d’orienter les recherches dans le domaine aéronautique civil et militaire, de concevoir, réaliser et mettre en œuvre les moyens nécessaires à l’exécution de ces recherches et d’en favoriser la valorisation par l’industrie. Quinze ans plus tard, ces missions avaient été élargies à la dissuasion et au spatial. Aujourd’hui, l’ONERA travaille à la fois sur le militaire et sur le civil. C’est ce que Bruno Sainjon, nommé mi-2014 Président de l’ONERA, nous avait expliqué dans une interview à SDBR le 03 Mai 2016. En arrivant à la tête de l’ONERA, Bruno Sainjon avait trouvé une maison dans un état critique (d’après un rapport de la Cour des Comptes de 2015), sans Plan Stratégique Scientifique, sans implication du Ministère de la Défense et de son Ministre de l’époque, et devant subir un tir nourri permanent de la part de la DGA.

L’action de Bruno Sainjon a permis de remettre cette pépite scientifique en ordre de marche, de rendre de la cohérence aux équipes (qui sont passées de 2600 collaborateurs en 1990 à 1750 collaborateurs et 250 doctorants en 2016), de renouer un dialogue constructif avec Laurent Collet-Billon, le DGA précédent, et de faire vivre des partenariats avec d’autres entités telles que la DGAC, le CEA Leti et de nombreux industriels concernés. Dans son interview de 2016, Bruno Sainjon alertait déjà sur le retard pris par l’ONERA face au DLR allemand: “La partie aéronautique du DLR (centre national de recherche sur l'aviation et les vols habités en Allemagne / Deutsches Zentrum für Luft-und Raumfahrt), qui ne travaille que sur le civil et qui s’appuie sur les services fonctionnels de l’ensemble du DLR, est passée entre 2009 et 2016 de 1277 à 1736 collaborateurs; les financements publics allemands vers le DLR sont passés de 110 à 160 millions d’euros, quand la subvention française vers l’ONERA était passée de 130 millions à 94 millions pour la construction du budget 2014. Depuis la subvention est remontée à 105 M€”.

La commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat a examiné mercredi 04/12/19 la situation de l’ONERA et entendu Bruno Sainjon. Les rapporteurs MM. Pascal Allizard (LR-Calvados) et Michel Boutant (SOC-Charente) constatent que leurs appels répétés pour doter enfin l’ONERA de moyens au niveau de son excellence scientifique et technologique, n’ont en effet toujours pas été entendus par le Gouvernement. Interrogée une nouvelle fois sur ce sujet à l’occasion de l’examen en Séance du budget de la défense, la ministre des armées n’a apporté aucune réponse au Sénat…volonté de blocage ou méconnaissance du dossier?

Lors du dernier conseil d’administration de l’ONERA, le Gouvernement aurait indiqué une intention de revoir légèrement à la hausse la subvention de l’Office, à 110 millions d’euros en 2020 et 2021 (au lieu de 106 et 107 millions d’euros). Cette progression n’est pas inscrite dans le PLF (projet de loi de finances), ce qui est incompréhensible. Et elle est insuffisante, pour deux raisons :

  • Il faudrait 5 millions d’euros par an rien que pour combler le décalage de rémunération des personnels entre l’ONERA et la DGA, sans même parler des rémunérations dans le secteur privé.

  • Dans le même temps, la subvention du DLR, en progression constante, dépasse désormais 200 millions d’euros, le double de l’ONERA !

Lors de son audition, Bruno Sainjon a expliqué en outre que, alors que le DLR a déjà conclu un contrat avec le Gouvernement allemand pour la part des études du SCAF qui lui reviendra, le dispositif français n’est pas encore en ordre de marche !

M. Christian Cambon, Président de la Commission, a déclaré : « Nous devons conforter l’ONERA, qui est une pépite technologique de niveau mondial. Il se classe largement au premier rang dans son domaine en Europe, mais cela ne pourra durer si nous continuons à le sous-doter alors que nos partenaires et concurrents accélèrent leur effort ».

C’est très révélateur du décrochage de la France dans des domaines stratégiques et c’est la “Com” du gouvernement et de la ministre des Armées qui viennent de perdre beaucoup de crédibilité quand on regarde les faits et non les intentions….

Sur le site de l’ONERA https://www.onera.fr/fr on peut retrouver la brochure des pépites de l’ONERA et sa feuille de route scientifique et technologique …

Rapport sénatorial: http://www.senat.fr/rap/a19-142-5/a19-142-5.html

Crédits photos: ONERA - En couverture, photo du site de Modane de l’ONERA