Security Defense Business Review

View Original

Interview de François Perrachon Senior Vice-President Global Sales Identité et Sécurité Publique @ IDEMIA

SDBRNews : Votre présence au salon Milipol 2019 signifie t’elle que vous avez élargi votre offre ?

François Perrachon : Historiquement IDEMIA est présent à Milipol Paris. Cette année nous avons en effet renforcé notre présence en lien avec l’évolution des grandes tendances de la sécurité aujourd’hui. Le premier axe d’évolution concerne le contrôle aux frontières, avec une sécurité renforcée et plus de fluidité du trafic de passagers, que ce soit dans un aéroport, une gare ou un port. Les passagers ne présentant pas de risque identifié doivent pouvoir entrer et sortir facilement du pays. En septembre 2015, l’aéroport de Changi (Singapour), classé plusieurs fois meilleur aéroport du monde, avait choisi IDEMIA pour la fourniture de services biométriques d’identification et d’authentification lors du passage des voyageurs dans le terminal 4, le plus récent et innovant de l’aéroport qui peut accueillir jusqu’à 16 millions de passagers par an. La satisfaction des autorités singapouriennes (aéroport et immigration) pour notre solution dans le terminal 4, nous permet aujourd’hui d’étendre le système IDEMIA aux terminaux 2 et 3 de cet aéroport. Nous rénovons donc les équipements anciens de ces deux terminaux avec les nouvelles technologies amenées par IDEMIA.

SDBRNews : Quel est le principe du contrôle à Changi ?

solution aéroportuaire d’IDEMIA avec ID2Travel - contrôle d’identité automatisé

François Perrachon : Le système retenu, fondé sur la solution aéroportuaire ID2Travel d’IDEMIA, propose des contrôles d’identité automatisés des passagers en partance par reconnaissance faciale à tous les points de contrôle. Le système comprend une plateforme centralisée utilisée par les compagnies aériennes et l’aéroport pour gérer les différentes étapes nécessaires à l’authentification et l’identification des passagers. MFACE (appareil de reconnaissance faciale) et TraveLane (portail totalement automatisé servant à la fois au contrôle aux frontières et à l’embarquement connecté) font partie de cette solution de bout en bout et sont déployés dans l’ensemble du terminal 4 de l’aéroport de Changi, dans le cadre du programme Fast and Seamless Travel (FAST). Avec cette solution, en outre, les services de l’immigration sont sûrs que la personne montant dans un avion correspond bien aux documents d’embarquement et à la biométrie qui est associée aux documents. C’est pour cela que ce système est en train d’être mis en place aux terminaux 2 et 3.

SDBRNews : Ce système intègre t’il les technologies API-PNR ?

MFACE (appareil de reconnaissance faciale) par IDEMIA

François Perrachon : Non, le système API-PNR n’est pas intégré. Il faut bien distinguer les systèmes destinés à la facilitation du contrôle aux frontières, donc au passage physique, du système API-PNR qui permet une validation en amont des voyageurs. De nombreux pays recourent à la collecte et à l’analyse des données des passagers en avance pour faire face à une menace grandissante. Ces données d’enregistrement (API - Advanced Passenger Information) et de réservation (PNR - Passenger Name Record) des passagers aériens permettent aux gouvernements d’analyser et de valider en temps réel les données des passagers, avant leur entrée ou leur sortie du territoire, et d’améliorer le traitement de grands volumes de données. Nous sommes très fiers d’avoir mis en place ce système en France car, compte tenu des millions de visiteurs qui arrivent en France annuellement et du nombre de compagnies aériennes qui la desservent, nous pouvons dire que ce système complexe est le plus abouti dans le monde. Nous avons été aussi le premier fournisseur en France (à Roissy CDG et Orly) du système Parafe (passage automatisé rapide aux frontières extérieures) qui permet le passage automatisé d’une frontière au moyen du contrôle biométrique du passager : à l’époque, il s’adressait uniquement aux passagers fréquents enrôlés. Le système a été ouvert depuis plusieurs années à tout voyageur d’un des 28 pays européens, plus la Suisse, l’Islande et la Norvège, s’il est muni d’un passeport biométrique. Deux biométries, reconnaissance faciale et empreintes digitales sont aujourd’hui utilisées.

SDBRNews : Parlons de votre activité de gestion de l’identité. Où en est le projet Aadhaar en Inde ?

François Perrachon : Le projet national de numéros d'identification indien « Aadhaar », lancé en 2010 sous la gestion de l'autorité indienne d'identification unique, l'UIDAI, est le plus vaste programme d'identités numériques au monde. Chaque habitant se voit ainsi attribuer un numéro d'identification unique à douze chiffres afin de constituer une base de données de la population indienne unique et fiable. Pour cela, les citoyens suivent une procédure d’enregistrement durant laquelle une photo du visage, les dix empreintes digitales et le scan des deux iris, sont enregistrés avec les données démographiques, si elles existent, des résidents (nom, adresse, sexe et date de naissance). Une fois l'enregistrement terminé et les informations biométriques vérifiées, le numéro Aadhaar est attribué. Contrairement à ce qui a été parfois écrit, il n’est pas délivré de carte d’identité ou de document mais simplement un numéro. Pour vérifier l'identité d’un demandeur, les fournisseurs de services peuvent ainsi soumettre le numéro Aadhaar et une caractéristique biométrique (telle que des empreintes digitales) de l'intéressé à l'UIDAI, qui valide ou invalide immédiatement son identité : par exemple, pour percevoir des indemnités sociales . En 2019, le programme a dépassé les 1,3 milliard de numéros Aadhaar créés. Ce numéro Aadhaar a permis d’identifier plusieurs centaines de millions d’indiens qui n’avaient pas d’existence légale. En outre, ce numéro permet de faciliter l’accès des personnes à des services privés. Ce service est conditionné à l’autorisation préalable de l’intéressé.

SDBRNews : Quelle est la nouveauté présentée par IDEMIA sur ce salon Milipol ?

François Perrachon : Nous présentons cette année une plateforme relative à la sécurité des grands évènements : système de vidéosurveillance intelligente et data analytics pour sécuriser un évènement temporaire, tels que des JO. On ne peut mettre en place des systèmes lourds et coûteux pour des évènements qui durent d’une à trois semaines. Il faut donc privilégier des solutions mobiles, déplaçables entre des stades ou des salles éloignées les unes des autres. Nous présentons le logiciel MVI, qui permet à la fois aux forces de police de faire de l’investigation post-évènement, si elles ont la nécessité de mener une recherche après un incident, mais aussi de travailler en temps réel : par exemple, recherche et interpellation d’un suspect aperçu dans une foule ou dans une rue, reconnaissance de plaques de véhicules, etc. Le logiciel permet en fait de pouvoir traiter des données extrêmement rapidement, par opposition au traitement manuel de l’image habituellement opéré par les autorités de police. Il permet, entre autres, de pouvoir définir une silhouette à rechercher et donc de mettre à disposition des agents de terrain des profils pouvant correspondre : ce premier tri est extrêmement productif par rapport à une recherche aléatoire. Ce logiciel est déjà utilisé dans de nombreux pays.

SDBRNews : Comment se situe aujourd’hui IDEMIA sur la scène internationale ? 

François Perrachon : IDEMIA réalise près de 2.2 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel avec 13.000 personnes dans le monde, dont 2000 ingénieurs  de recherche essentiellement basés en France et en Allemagne. Nous sommes le leader des identités de confiance dans un monde de plus en plus digital. En termes de biométrie, IDEMIA est depuis longtemps incontestablement le leader mondial, avec le plus grand nombre de systèmes installés, notre concurrent de taille mondiale étant le japonais NEC. Sur le marché des « eGate » (pour l’amélioration de l’expérience passager), il y a plus d’intervenants. Comme nous sommes à la fois fournisseur de technologies et intégrateur, sur les marchés de l’identité et de la sécurité nous nous retrouvons parfois face à de purs intégrateurs tels que Northrop Grumman, Unisys, Lockheed Martin, Accenture, IBM, mais il arrive aussi que nous établissions des partenariats avec eux sur certaines opportunités. Nous remportons de beaux succès dans le domaine du contrôle aux frontières, tels que le contrat de 5 ans signé le mois dernier avec l'agence australienne de gestion des frontières pour notre solution SmartGate de contrôle des arrivées de passagers en Australie. Nous investissons environ 200 millions d’euros par an dans la recherche et le développement de produits et solutions, avec un gros effort pour développer de nouvelles applications de mobilité embarquant de l’intelligence artificielle. Nous croyons aussi beaucoup au partenariat avec d’autres industriels pour explorer de nouveaux horizons technologiques.

                                                                         Crédits Photos IDEMIA   www.idemia.com