IMT Atlantique: 3 campus tournés vers la cybersécurité et la cyberdéfense
L’Interview de Yann Busnel et Marc-Oliver Pahl a été réalisée par Alain Establier à l’occasion de l’European Cyber Week, organisée par le Pôle d’Excellence Cyber, à Rennes en novembre 2021
SDBR News : Que fait-on à l’IMT Atlantique* campus de Rennes ?
Yann Busnel **: L’IMT Atlantique est une grande école d’ingénieurs généralistes de l’Institut Mines Telecom. Son objectif est bien évidemment de former des ingénieurs, sur différentes thématiques et sur trois campus : Brest, Nantes et Rennes. Nous avons trois grands axes de formation et de recherche : le numérique, l’énergie et l’environnement. Je suis en charge de toute l’activité de formation et recherche du campus de Rennes. Dans les années 80s, l’IMT s’est développé sur ses bases historiques, à savoir son expertise dans les Télécommunications, et depuis une vingtaine d’années l’IMT a développé une expertise en cybersécurité.
Marc-Oliver Pahl*** : Je suis arrivé début 2020 à l’IMT-Atlantique en provenance de la « Technische Universität » de Munich, une université d’excellence allemande pour prendre la direction de la chaire Cyber-CNI (Critical Networked Infrastructures). Je souligne que la chaire a beaucoup d’excellents contacts avec le monde industriel, ce qui est extrêmement important pour ne pas détacher le théorique du réel. Nous avons 6 partenaires industriels (Airbus, Amossys, BNP Paribas, EDF, SNCF et Nokia) avec qui nous avons des échanges individuels réguliers et, deux fois par an, une journée d’actualisation de notre recherche, ouverte aussi au grand public. Nous avons actuellement 8 doctorants sur la chaire Cyber-CNI. Nous faisons aussi une série mensuelle de présentation de nos travaux pour sensibiliser le grand public aux thématiques de cybersécurité : https ://talk.cybercni.fr. Enfin, nous faisons des écoles thématiques : par exemple, du 29/11 au 03/12/21, nous avons organisé une semaine thématique sur l’IoT avec des experts d’AWS, d’Airbus et de Siemens. La connexion avec l’écosystème est très importante, comme avec la région Bretagne, le PEC, le COMCYBER et l’ANSSI. Nous faisons de la recherche fondamentale avec l’objectif de porter cette recherche fondamentale jusqu’à un démonstrateur.
SDBR News : Les trois campus de l’IMT Atlantique s’intéressent-ils autant que vous à la cybersécurité ?
Yann Busnel : La cybersécurité est répartie sur les trois campus :
Brest est plus sur les couches basses et le hardware : communication, sécurisation de la donnée, sécurisation des communications numériques.
Rennes travaille sur le middleware et sur la sécurisation des systèmes d’information au sens large : de l’industrie 4.0 et de l’IoT jusqu’aux protocoles Internet pour sécuriser les objets connectés (par exemple dans la Santé).
Nantes s’intéresse plutôt au software et à la sécurisation du logiciel.
Nous notons un regain d’intérêt pour les formations en cybersécurité et Rennes offre deux formations en cybersécurité :
une spécialisation ingénieur en cybersécurité d’un an (36 places) ; nos ingénieurs peuvent choisir cette spécialité en deuxième ou troisième année. Nous avons doublé le nombre d’étudiants depuis 2017.
Un diplôme post-master, équivalent d’un bac +6, d’un an (32 places) : un mastère spécialisé en cybersécurité, co-délivré avec CentraleSupelec, pour avoir une expertise métier de RSSI.
Marc-Oliver Pahl : Nous sommes en train de monter plusieurs MOOC sur la cybersécurité : des MOOC de plusieurs niveaux, selon le degré de connaissance ou de sensibilisation des personnes. A noter que nous sommes liés à l’Académie franco-allemande pour l’industrie du futur et que nous appartenons au groupe IMT, le plus grand groupe d’écoles d’ingénieurs de France. Nous avons beaucoup de projets transnationaux sur l’IA et sur la sécurité.
La chaire a quatre axes de travail :
la sécurité par conception, by design,
les systèmes dynamiques et l’analyse des données,
la défense automatisée,
l’interface vers l’humain : réalité augmentée, réalité virtuelle.
SDBR News : Travaillez-vous sur les métadonnées et sur les « data lake » ?
Yann Busnel : Vous faites allusion au traitement des très grandes masses de données avec les data lakes, qui sont l’avenir du Big Data. Ce sont en fait le point de ralliement de trois grands domaines de recherche :
l’intelligence artificielle, dont nous avons besoin pour traiter ces très grandes masses de données, avec des traitements automatiques rapides et efficaces ;
la statistique pour analyser ces données ;
la cybersécurité et la sécurisation de la donnée et des logiciels de traitement de la donnée : sécurité par conception (« by design »).
Chaque entreprise industrielle dispose de son data lake : la question est l’apprentissage fédéré, qui permet à chaque entité d’enrichir son modèle sans partager ses données. Seul le mécanisme d’apprentissage est mis en partage, ce qui garantit la confidentialité de la donnée industrielle.
Marc-Oliver Pahl : Ce schéma permettra à des entreprises concurrentes de travailler ensemble sur des métadonnées sans risquer de perdre leurs données propres. A propos des partenariats industriels de la chaire CNI d'IMT Atlantique, je précise que ces contrats de partenariats sont d’une durée de trois ans et qu’en 2022 la chaire pourra accueillir d’autres partenaires industriels ou institutionnels qui souhaiteraient rejoindre les partenaires actuels : il faut nous contacter directement pour les détails.
SDBR News : Quelle collaboration y a-t-il entre l’IMT Atlantique et le Minarm ?
Yann Busnel : Nous avons un accord cadre avec la DGA et notamment avec DGA MI de Bruz avec qui nous avons des relations fortes depuis plusieurs années sur les aspects de cybersécurité. Nous avons beaucoup travaillé avec DGA MI, dans les années 2000/2010, sur la sécurité des systèmes d’information. Aujourd’hui nous collaborons beaucoup sur les attaques par canaux auxiliaires (side channel) : exemple le compteur Linky. Des membres de la DGA viennent régulièrement travailler sur le site de l’IMT avec nos étudiants. Nous sommes membres fondateurs du PEC et nous travaillons avec l’équipe du Pôle d’Excellence Cyber sur les aspects formation et sur les aspects recherche. Nous avons aussi des collaborations naissantes avec le COMCYBER, qui est installé à coté de l’IMT Atlantique, comme avec l’ANSSI qui vient aussi d’installer une antenne sur Rennes.
Marc-Oliver Pahl : Cette collaboration se manifeste aussi à l’occasion d’événements comme l’European Cyberweek qui vient de se tenir à Rennes : par exemple, j’y ai participé à une table ronde avec le COMCYBER et avec l’ANSSI. C’est un bon exemple d’interpénétration entre le monde civil et le monde militaire en France, à la différence de ce que j’observe en Allemagne où ces deux mondes sont vraiment séparés. En France, la collaboration entre civil et militaire est considérée comme normale, pas en Allemagne.
Yann Busnel : Pendant longtemps en France, les systèmes technologiques militaires ont été très en avance sur les technologies civiles. Aujourd’hui c’est souvent l’inverse, en particulier en matière de sécurité. Les militaires ont donc besoin de la recherche civile, en particulier académique, mais aussi des start-up qui vont être intégrées dans les systèmes militaires. Cela explique aussi la vraie collaboration qui s’est développée avec le ministère des Armées.
**Yann Busnel est directeur du département systèmes réseaux, cybersécurité et droit du numérique d'IMT Atlantique. https://www.imt-atlantique.fr/fr/personne/yann-busnel
***Marc-Oliver Pahl est directeur de la chaire Cyber CNI d'IMT Atlantique. https://cybercni.fr/mop