MBDA : un outil essentiel de souveraineté européenne
2022 : Une excellente année pour MBDA où l’Ukraine n’a pas sa place
Au total, le chiffre d’affaires de 2022 s'est élevé à 4,2 milliards d'euros, en phase avec le niveau déjà atteint en 2021. La prise de commande a, par contre, atteint un niveau record de 9 milliards d'euros en 2022 (soit 2 ans de chiffre d’affaires), portant le carnet de commandes chez MBDA à 22,3 milliards d'euros.
Ces bons chiffres sont essentiellement dus aux commandes des pays d’implantation des usines de MBDA, aux premiers rangs desquels l’Italie et le Royaume-Uni, et au grand Export, essentiellement l’Inde et les Émirats Arabes Unis (UAE) - dans la foulée de l’acquisition de 80 Rafale Dassault signée fin 2021. Les 80 Rafale F4 des UAE seront armés de missiles air-air Mica NG et missiles de croisière Black Shaheen (l’équivalent export du SCALP - Système de croisière conventionnel autonome à longue portée) de MBDA. Mais il y a eu aussi les packs d'armes pour les nouvelles frégates et les avions Rafale de la Grèce, et le contrat de missiles CAMM en Pologne.
L’excellente année 2022 en termes de commandes n’a quasiment rien à voir avec le conflit en Ukraine ou avec les besoins chroniques des Armées françaises, car les commandes sont prises en compte non seulement au moment de la lettre d’intention du client mais surtout au moment de la réception du dépôt d’un acompte sur commande. Or les discours flamboyants et volontaristes des politiques ne doivent pas occulter que les commandes ne suivent pas, et encore moins les acomptes. Quel industriel accepterait de mettre en fabrication des matériels sans commande ni acompte ? Donc attendons 2023, pour savoir si les discours du ministre des Armées et les symposiums de la DGA sur l’économie de guerre trouvent le début d’une concrétisation chez les industriels concernés…
La coopération dans le cadre des programmes et technologies
MBDA contribue à la défense antiaérienne européenne grâce à des solutions complètes destinées à contrer l'ensemble des menaces aériennes, des missiles balistiques aux très petits véhicules aériens sans pilotes (tels que les drones). Les systèmes de défense antiaérienne embarquant des missiles Aster sont déployés en France, en Italie et au Royaume-Uni, sur des frégates et des systèmes terrestres tels que le SAMPT, qui a récemment été envoyé à l’Ukraine. La génération suivante, SAMPT/NG, a poursuivi son avancement en 2022. Elle sera livrée en Italie et en France d'ici à 2025 et pourra être exportée à compter de 2026. La coopération en matière de défense antiaérienne s'articule également autour d'un autre programme de coopération emblématique rassemblant l'Italie et le Royaume-Uni : CAMM et CAMM-ER. En 2022, MBDA a notamment reçu une commande sur ces missiles pour les armées de terre et de l’air italiennes.
Mentionnons également « Sky Warden », la solution de MBDA pour contrer les systèmes aériens sans pilote (C-UAS), un système modulaire évolutif conçu pour intégrer et contrôler de nombreux capteurs et effecteurs. Sky Warden peut faire face à toutes les menaces, même les petits avions ou très petits drones dont la présence ne fait qu’augmenter, comme on l’a vu récemment que ce soit en Europe ou ailleurs.
Dans le domaine de la frappe en profondeur et des armes anti-navire lourdes, MBDA a lancé en 2022 les travaux préparatoires pour le FC/ASW (Future Cruise/Anti-ship Weapon) entre la France et le Royaume-Uni, en donnant la priorité au développement coordonné du programme, ce qui a été confirmé la semaine dernière lors du sommet franco-britannique de Paris.
Le combat aérien du futur est également une priorité pour MBDA, qui est impliqué dans deux grands programmes : l'Allemagne, la France et l'Espagne continuent les activités sur le programme FCAS (Future Combat Air System), pour lequel MBDA fournira de nouveaux effecteurs appelés « Remote Carriers » et apportera son expertise sur le combat collaboratif connecté. De même pour le programme « Global Air Combat Programme », soutenu par le Royaume-Uni, l'Italie et le Japon, pour lequel MBDA développera les effecteurs.
En ce qui concerne l'innovation enfin, ont été évoqués le développement d’armes à énergie laser dirigée, avec la récente acquisition de l’entreprise Cilas en France, les essais réussis de Dragonfire au Royaume-Uni et la nouvelle technologie de suivi pour lasers à haute énergie (HEL) en Allemagne.
L’innovation est un objectif ambitieux qui ne se réalise que grâce à des commandes dans les différents pays concernés.
2023 : Et maintenant il va falloir produire pour livrer…
Le challenge de 2023/2024 va être de mettre en adéquation les commandes et les outils de production. On peut raisonnablement estimer que le niveau de commandes atteint en 2022 va se prolonger dans les cinq années qui viennent, que le conflit en Ukraine dure ou qu’il s’arrête demain. En effet, la lutte pour l’indépendance des régions russophones de l’Ukraine a réveillé la conscience des politiques européens sur le fait que la géopolitique n’était pas un long fleuve tranquille et qu’il n’est pas bon de penser que “le dire avec des fleurs” suffit à décréter la Paix à durée indéterminée. En France, la politique de désarmement suivie depuis 1981 (malgré quelques soubresauts insuffisants de-ci de-là) donnerait exactement le même résultat, en cas d’agression forte par une puissance étrangère, que la débâcle de juin 1940.
On entend souveraineté…souveraineté ! ré-industrialisation… ré-industrialisation ! à longueur de journée. Or point n’est besoin de colloques pour savoir qu’une entreprise vit de ses commandes et de sa production. Lorsqu’elle a des commandes et des acomptes, alors elle peut mettre sa production en phase avec ses délais de livraison. Bien sûr, elle peut anticiper en recrutant des ressources humaines supplémentaires et en préparant l’extension de ses ateliers de fabrication, voire en sollicitant des banques pour avoir du cash-flow (et l’argent gratuit c’est fini, pour ceux qui en douteraient). Mais un chef d’entreprise responsable ne risquera pas l’avenir de l’entreprise et de ses centaines ou milliers de collaborateurs sur des paroles délivrées devant les caméras…
Néanmoins MBDA a modifié ses processus de production pour augmenter sa productivité et a commencé à constituer des stocks de composants électroniques pour être prêts à monter en puissance : avec toutes les difficultés liées aux achats à l’Étranger et à la concurrence pas toujours loyale des Américains pour s’approvisionner en semi-conducteurs.
Parallèlement, MBDA a fait des efforts de simplification de certaines procédures pour gagner du temps en fabrication et mobilise l’écosystème de ses 1600 fournisseurs pour mieux se coordonner et diminuer leurs délais de réactivité. Le soutien à la supply chain est essentiel dans le but de garantir la souveraineté.
2000 postes à pourvoir
Pour autant l'investissement dans les ressources humaines, pour stimuler l'innovation et les livraisons, reste au cœur de l'action de MBDA, avec un chiffre record de 1.570 nouveaux collaborateurs dans le groupe en 2022 et un plan de recrutement de plus de 2.000 nouveaux collaborateurs en 2023. Il s’agit essentiellement d’ingénieurs et de développeurs.
Donc MBDA peut tout livrer à tout le monde et se met en place pour y subvenir en tant que de besoin. Mais les décisions de commander sont toujours éminemment politiques…
Crédits photos: MBDA