Que s’est-il réellement passé le 26 novembre 2008 à Bombay ?
16 ans plus tard, les conclusions de plusieurs enquêtes policières internationales et de dizaines d'études, déclenchées après l'attaque d’un commando islamiste du 26 au 29 novembre 2008 sur Bombay, ont été largement négligées voire occultées.
Sur le déroulé de l’attaque cf. : https://www.sdbrnews.com/sdbr-news-blog-fr/un-massacre-islamiste-que-loccident-veut-ignorer
Nous avons déjà évoqué pourquoi Bombay/Mumbai était la cible de groupes terroristes venus du Pakistan. Nous étudierons dans un prochain article le rôle plus qu’ambigu que joue, depuis 30 ans, le gouvernement pakistanais.
Mais auparavant, il convient de préciser qui étaient ces terroristes qui ont tué 165 personnes, dont 26 touristes étrangers, et fait 304 blessés à Bombay le 26 novembre 2008 ? AE
Qui étaient les membres du commando ?
Après l’attaque de Bombay, les soupçons se sont rapidement concentrés sur « Lashkar-e-Taiba » (LeT), un vaste groupe djihadiste basé au Pakistan. Bien que théoriquement interdit par le gouvernement* pakistanais depuis 2002, « LeT » a organisé des rassemblements de collecte de fonds ostentatoires et a exploité des centres de recrutement urbains sans aucune ingérence officielle.
Il avait auparavant lancé le concept d'attaques suicidaires entraînant des pertes massives en Asie du Sud, apparemment sur les conseils d'un ancien opérateur d'opérations spéciales de l'armée pakistanaise**.
Pour l’anecdote, le site Wikipedia (https://fr.wikipedia.org/wiki/Lashkar-e-Toiba ) classe ce groupe islamiste comme étant d’extrême droite (contribution d’un enseignant à Sciences Po). Il n’y a décidément aucune limite à la bêtise idéologique…
La capture de l’un des terroristes de l’attaque du 26 novembre 2008, Mohammad Ajmal Amir Kasab, a permis de révéler des éléments objectifs sur les membres de ce commando, sur leurs moyens et leurs motivations, et sur leurs liens avec le Pouvoir pakistanais.
Intercepté vivant, Mohammad Ajmal Amir Kasab a pu être de plus interrogé par le FBI, du fait de la nationalité américaine de certaines victimes du commando, ce qui a permis de corroborer les éléments d’enquête recueillis par la Police indienne. Pour la première fois, l'Inde avait réussi à capturer vivant un participant à un attentat suicide et à l’interroger.
Le témoignage de Mohammad Ajmal Amir Kasab
Mohammad Ajmal Amir Kasab était le fils de Mohammed Amir Kasab, habitant du village de Faridkot, dans le district d’Okara, dans la province du Pendjab, au Pakistan.
Il a déclaré qu'avec beaucoup d'autres, y compris les neuf terroristes qui ont été tués dans l’attaque du 26/11, il avait été entraîné dans les camps d'entraînement de Laskhar-e-Taiba situés à Muridke (à 50 kms au nord de Lahore), à Manshera (au nord d’Islamabad) et à Muzaffarabad (près de Karachi).
Tous ces camps étant obligatoirement au vu et au su des autorités pakistanaises…
Il a déclaré que le groupe constitué au départ était composé de 32 hommes, qui ont été entrainés comme lui. Ils ont été formés à la pratique des armes à feu (fusils AK47 Kalachnikov et pistolets de 9 mm), à l’usage des munitions et des grenades, à la fabrication et à l’usage d’engins explosifs (IEDs). Ils ont également reçu une formation aux techniques de dissimulation lors d’un interrogatoire et à la tolérance de la douleur. Enfin, ils ont été endoctrinés pour devenir des kamikazes….
Une sélection exigeante chez les terroristes
Mohammad Ajmal Amir Kasab a témoigné qu’un groupe de 13 personnes avait finalement été sélectionné (sur les 32 de départ) pour participer à des attaques en Inde.
6 de ces 13 personnes ont été envoyées sur des opérations au Cachemire.
Trois nouveaux membres ont alors été intégrés au groupe, ce qui faisait finalement un groupe de 10 pour aller sur Mumbai.
Mohammed Ajmal Amir Kasab a fourni les noms et les identités des 9 autres membres*** du commando, qui ont tous été éliminés par les forces de police indiennes.
L'un des trois nouveaux membres était Ismail Khan qui est devenu le chef du groupe constitué.
Le groupe de 10 membres a été informé de l’opération sur Mumbai à la mi-septembre 2008.
À ce moment-là, les 10 membres du groupe ont été maintenus à l’isolement, dans une maison près de Karachi, et tous les contacts entre ce groupe et d’autres membres de groupes djihadistes ont été interrompus.
Le groupe était étroitement surveillé par Zaki-Ur-Rehman Lakhvi, Abu Hamza, Yousuf alias Muzammil et Kaahfa, tous hauts fonctionnaires du LeT. Les trois premiers sont connus des services de renseignement de nombreux pays.
L’histoire du groupe Lashkar-e-Taiba (LeT)
Un remarquable article de Mary Sisson paru dans « Encyclopedia Britannica » nous raconte l’histoire du groupe Lashkar-e-Taiba (LeT) https://www.britannica.com/topic/Lashkar-e-Taiba :
« Lashkar-e-Taiba, un groupe militant islamiste, a commencé au Pakistan, à la fin des années 1980, comme une aile militante de Markaz-ud-Dawa-wal-Irshad, une organisation islamiste influencée par la secte Wahhābī de l'Islam sunnite. Elle a cherché à établir un régime musulman sur l’ensemble du sous-continent indien. Bien que basé au Pakistan, Lashkar-e-Taiba opérait initialement dans l'État indien de Jammu-et-Cachemire, à la frontière entre le Pakistan et l'Inde, mais dès la première décennie du 21ème siècle le groupe avait étendu sa portée plus loin en Inde.
Le Jammu-et-Cachemire a été revendiqué à la fois par l'Inde, un pays à 80% hindou (soit environ 1,1 milliard de personnes), et par le Pakistan, un pays à 97% musulman (environ 233 millions de personnes), et le conflit a fait naitre de nombreux groupes armés au sein du Jammu-et-Cachemire.
Lashkar-e-Taiba, l'un des plus grands groupes opérant au Jammu-et-Cachemire, était extrêmement pro-Pakistanais pour le contrôle de la région. Le groupe s'est opposé à toute concession à l'Inde. En outre, ses dirigeants ont exprimé le désir d'établir un régime islamique dans toute l'Inde. Le groupe a pris part à plusieurs attaques visant des populations civiles non musulmanes au Jammu-et-Cachemire, dans le but d’y créer un État musulman.
Beaucoup de membres de Lashkar-e-Taiba étaient pakistanais ou afghans. On pensait que le groupe avait des liens avec le gouvernement taliban afghan et avec le riche extrémiste saoudien et chef d’Al Qaïda, Oussama ben Laden. Des combattants de Lashkar-e-Taiba et d’un autre groupe musulman militant, Hizb-ul-Mujahideen, ont été tués en août 1998 lorsque des missiles de croisière américains ont frappé les camps d’entraînement de Ben Laden en Afghanistan, et un haut responsable d’Al-Qaïda a été capturé dans un refuge de Lashkar-e-Taiba au Pakistan en mars 2002.
Premières activités
Lashkar-e-Taiba a fait ses premières incursions dans le Jammu-et-Cachemire en 1993. À la fin des années 1990, il a été dit que Lashkar-e-Taiba avait reçu des fonds du gouvernement pakistanais, allégation que le gouvernement pakistanais a cependant niée. Le groupe a commencé à opérer dans la région de Jammu, qui comptait un grand nombre de non-musulmans. En collaboration avec le Hizb-ul-Mujahideen, Lashkar-e-Taiba a lancé un programme d'attaques contre des civils hindous et des sikhs.
À partir de 1999, Lashkar-e-Taiba a mené une série d'attentats-suicides contre les forces de sécurité indiennes, visant souvent des centres de commandement très sécurisés. Lors de ces attaques, les forces de Lashkar-e-Taiba étaient en infériorité numérique et ont finalement été tuées, mais pas avant d'avoir tué des troupes indiennes et d'avoir causé d'importants dégâts.
En 2000, Lashkar-e-Taiba a eu une dispute avec Hizb-ul-Mujahideen, qui avait déclaré un cessez-le-feu de courte durée avec l'Inde. Le groupe a perdu d’autres alliés en 2001, après que les attaques du 11 septembre contre les États-Unis aient entraîné le renversement du gouvernement taliban en Afghanistan par les forces militaires dirigées par les États-Unis. Le 13 décembre 2001, Lashkar-e-Taiba s’est rendu coupable d’un attentat-suicide contre le complexe parlementaire de la capitale indienne, New Delhi, en collaboration avec Jaish-e-Mohammed, un autre groupe militant. En réaction, le gouvernement des États-Unis a gelé les avoirs de Lashkar-e-Taiba et l’a déclaré organisation terroriste. Sous la pression des États-Unis, pour réprimer ces groupes militants et éviter une guerre avec l'Inde, le gouvernement pakistanais a interdit le groupe en janvier 2002 et arrêté son chef, Hafiz Muhammad Saeed… qui a été libéré quelques mois plus tard. Il a alors fondé une organisation caritative, connue sous le nom de Jamaat ud-Dawa, laquelle est largement considérée comme une façade pour Lashkar-e-Taiba.
Suite à un accord de cessez-le-feu entre l'Inde et le Pakistan en 2003, Lashkar-e-Taiba était censé avoir déplacé la plupart de ses opérations vers le nord-ouest du Pakistan, une région frontalière de l'Afghanistan sur laquelle le gouvernement central n'avait pas de contrôle. Mais l'organisation a concentré de plus en plus ses activités sur l'Inde elle-même ». Mary Sisson
Bombay pris pour cible
Les agents de Lashkar-e-Taiba semblent avoir continué leurs attaques tout au long de la première décennie du 21ème siècle, visant principalement les forces de sécurité indiennes.
En 2006, le groupe a été impliqué dans une attaque beaucoup plus meurtrière contre des civils à Mumbai (Bombay), comme évoqué dans notre article du 09 décembre: https://www.sdbrnews.com/sdbr-news-blog-fr/un-massacre-islamiste-que-loccident-veut-ignorer
Le 11 juillet 2006, plusieurs bombes ont détruit le réseau de trains de banlieue de Mumbai pendant l’heure de pointe du soir, tuant plus de 180 personnes et en blessant quelque 800 autres. Les bombes ont toutes été placées dans des compartiments de trains de première classe, dans un effort apparent pour cibler des cadres des entreprises indiennes.
À la suite de cette attaque, que l’Inde avait liée à Lashkar-e-Taiba, le Pakistan a de nouveau arrêté Saeed… Mais l’a de nouveau libéré, affirmant que l’enquête indienne avait été biaisée…
Et deux ans plus tard, ce fut l’attaque du Taj Mahal et des autres lieux décrits dans notre précédent article…
Mohammad Ajmal Amir Kasab, ayant été capturé vivant, a avoué qu'il était membre de Lashkar-e-Taiba, qu'il s'était entraîné au Pakistan, que les assaillants étaient arrivés à Mumbai par bateau depuis Karāchi, etc. Il a été déclaré coupable de meurtre par un tribunal indien en 2010 et exécuté en novembre 2012.
Cette enquête est édifiante à plusieurs titres et les dirigeants occidentaux feraient bien de méditer l’expérience indienne en matière de terrorisme islamique.
Aujourd’hui à 74 ans, Hafiz Muhammad Saeed, grand chef terroriste, vit très bien très bien dans la région de Lahore (Pakistan)… AE
Notes :
*https://icct.nl/publication/decade-2008-mumbai-attack-reviewing-question-state-sponsorship#_edn3
** Saleem Shahzad, Inside Al Qaeda and the Taliban (London: Pluto Press, 2011)
*** Les 9 terroristes éliminés:
(i) Ismail Khan (25 yrs) r/o Dera Ismail Khan, NWFP, Pakistan
(ii) Babar Imran @ Abu Akasha (25 yrs) r/o Multan, Pakistan
(iii) Naser @ Abu Umar (23 yrs) r/o Faisalabad, Pakistan
(iv) Shoaib @ Abu Saheb (21yrs) r/oShakkargarh Naroval, Sialkoat, Pakistan.
(v) Nazir @ Abu Umer (28 yrs) r/o Faisalabad, Pakistan
(vi) Hafiz Arshad @ Abu Abdar Rehman (Bada - 23 yrs) r/o Multan, Pakistan.
(vii) Javed @ Abu Ali (22 yrs) r/o Okara, Pakistan
(viii) Abdur Rehman @ Abu Abdar Rehman (Chhota - 21 yrs) r/o Arifwala, Multan Road, Pakistan.
(ix) Fahadulla (23 yrs) r/o Ujrashah Mukim, Rasur Road, Okara, Punjab, Pakistan.
Crédits photos: ONU, AP