Security Defense Business Review

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Interview de Xavier Montazel, Director of the Defense & Maritime BU chez CNIM

SDBR News : Voila 18 mois que vous avez pris la responsabilité de la Business Unit Défense et Maritime chez CNIM. Vous plaisez-vous à La Seyne sur Mer ?

Xavier Montazel : Oui je me plais beaucoup à La Seyne. J’ai rejoins CNIM il y a 18 mois pour prendre en charge les activités Défense, qui se situent sur des marchés très ciblés et qui, au final, permettent d’avoir une activité significative et récurrente dans le domaine de la Défense. Nous avons des produits sur quatre créneaux : la dissuasion, le naval, les activités de défense terrestres, la surveillance par ballon captif.

SDBR News : Que faites-vous en matière de dissuasion ?

Xavier Montazel : Acteur majeur des programmes de dissuasion français depuis 1961, CNIM est le seul fournisseur des systèmes lance-missiles intégrés aux sous-marins nucléaires (SNLE) de toutes générations, y compris ceux à venir. CNIM intervient dans l’expérimentation à grande échelle avec le Laser Mégajoule : en 1996, la France met un terme aux essais nucléaires et lance le projet du Laser Mégajoule (LMJ) avec pour objectif de pérenniser sa force de dissuasion par la simulation du fonctionnement nucléaire des armes. Un projet exceptionnel auquel le Groupe CNIM est associé depuis 1999 avec la réalisation d’ensembles mécaniques à très haut niveau de stabilité de grande précision.

SDBR News : Et concernant vos activités navales ?

Xavier Montazel : Coté naval, hors dissuasion, nous avons deux grandes activités. D’une part, une activité qui concerne les navires de débarquement amphibies, avec une famille de 4 navires dédiés et d’autre part, des activités d’équipementier naval.

En ce qui concerne les navires amphibies:

L-CAT Ship-to-Shore by CNIM

- L-CAT® « Ship-to-Shore », un connecteur amphibie rapide et manœuvrant pour le transport d’unités tactiques lors d’opérations amphibies conduites depuis des bateaux-mères avec radier (au standard OTAN). Il offre une vitesse élevée (30 nœuds), un emport élevé (80 tonnes) pour des opérations en eaux très peu profondes. Il peut alterner la grande vitesse en haute mer, dans sa position catamaran de transport, puis devenir un bateau à fond plat pour plager et débarquer hommes et matériels. Il est appelé EDAR pour la Marine Nationale. L’Egypte a acquis 2 L-CAT : le premier, rattaché au BPC (bâtiment de projection et de commandement) Gamal Abdel Nasser, est en service depuis le 1er juin 2016 ; le second, rattaché au BPC Anouar el Sadate, a été livré en septembre 2016.  

- LCA (Landing Craft Assault), adaptable à tout type de bâtiment de projection et de commandement pour transférer efficacement du matériel et des hommes à terre. Robuste, fiable et doté d’excellentes qualités de mobilité et de manœuvrabilité, le LCA offre la capacité de projection des nouveaux véhicules des Forces Terrestres. Cet engin de débarquement amphibie standard, appelé EDAS pour la Marine Nationale, a été commandé fin 2018 à quatorze exemplaires par la Direction générale de l'Armement (DGA) à CNIM, concepteur du projet, qui sous-traite la production au chantier naval français Socarenam à Saint-Malo : 6 commandes fermes livrables en 2021 et 2022, et 8 commandes conditionnelles. Les deux premiers de série seront finalement livrés en décembre 2020, pour être qualifiés par la Marine. Chaque PHA* français pourra emporter 1 EDAR + 2 EDAS.

SDBR News : Nous avons parlé du L-CAT® et du LCA. Quels sont les deux autres ?

Xavier Montazel : A partir du L-CAT® « Ship-to-Shore » et du LCA, qui sont deux navires en service ou en train d’être mis en service, nous avons imaginé deux navires autonomes, pouvant être opérés sans besoin de “bateau mère”: le L-CAT « Shore-to-Shore » et le LCX. Ce sont des navires qui permettent le transport et le plageage, et qui peuvent aller d’une côte à une autre ou d’une ile à une autre, dans le cadre des besoins que peuvent avoir les pays ne disposant pas de bateaux mères de type PHA; ils ont une autonomie plus grande.

- Le L-CAT « Shore-to-Shore » est un navire de projection autonome, pouvant opérer en eaux très peu profondes et pouvant transporter 80 tonnes de fret et 42 passagers à 25 nœuds. Il est adapté aux opérations amphibies et aux actions de l’État en mer. Très manœuvrant, il offre une flexibilité opérationnelle hors du commun lors d’assauts amphibies ou d’opérations humanitaires. Le L-CAT « Shore-to-Shore » est conçu autour de la même plate-forme que le L-CAT « Ship-to-Shore ». Nous sommes toujours en discussion avec des clients potentiellement intéressés mais aucun contrat n’a pour l’instant été signé.

- Le LCX (Landing Craft X missions) : C’est un navire 5-en-1. Il peut être opéré à partir de navires-mères OTAN (tels qu’un BPC) ; il peut être un support à la lutte anti-sous-marine et un support au déminage ; il peut déclencher des opérations spéciales avec des bateaux-semi-rigides (RHIBs) ; il peut faire du débarquement de véhicules. Doté de très hautes performances de tenue à la mer et de manœuvrabilité, avec une timonerie 360° et un poste de commandement équipé, le LCX permet d’embarquer des détachements spécialisés pour des opérations de reconnaissance, d’identification et de neutralisation.

SDBR News : Vous venez de nous parler de l’activité navires de CNIM. Vous avez évoqué une autre grande activité navale de défense. Quelle est-elle ?

Xavier Montazel : CNIM conçoit, réalise et intègre des équipements navals à haut niveau de fiabilité pour des applications complexes à bord des navires de surface et des sous-marins d’attaques. Nous réalisons des systèmes de transfert et de manutention d’armes, comme par exemple des systèmes de manutention des torpilles embarquées à bord des navires de surfaces. Nous réalisons aussi des systèmes d’étanchéité ultra-performants, comme par exemple la membrane étanche des soutes à missiles, des systèmes d’ouverture et de fermeture (par exemple des portes sonars), des systèmes de suspension critique (suspension Missile / système propulsif) des systèmes de stockage d’armes (conteneurs torpille / munitions / missile) et les systèmes de mise à l’eau et de récupération des drones ou de la drome (l'ensemble des embarcations à bord d'un navire militaire constitue la drome de ce bâtiment).

https://cnim.com/activites/defense-securite-et-intelligence-numerique/equipements-navals-de-defense

SDBR News : Comment se portent ces activités au sein de CNIM ?

PFM nouvelle génération de CNIM

Xavier Montazel : Elles se portent bien puisque c’est une activité que nous avons commencée avec notre client historique Naval Group et qui est aujourd’hui en plein développement. Nous sommes en fait, en tant qu’équipementier, à bord de tous les navires et de tous les sous-marins fabriqués par Naval Group aujourd’hui : FREMM, FDI, Gowind, Barracuda… Nous sommes aussi positionnés pour offrir nos services à tous les chantiers navals européens du fait de la qualité de nos solutions et de nos sous-systèmes.  

SDBR News : Parlez-nous des activités de défense terrestre…

Robot terrestre de Milrem et CNIM

Xavier Montazel : L’activité terrestre est en fort développement chez CNIM, essentiellement au profit du Génie avec des solutions de franchissement, d’ouverture d’itinéraire (robots en partenariat avec Milrem Robotics) ou de véhicule de terrassement (projet MAC « moyen d’appui au contact » pour le remplaçant de l’engin blindé du génie dans le GTIA Scorpion). Concernant le franchissement, CNIM a historiquement fourni, à la France et à un certain nombre d’autres pays, la première génération de ponts flottants motorisés (PFM) qui sont en service aujourd’hui dans l’Armée française. Autour de ce produit, nous avons deux développements : l’un de modernisation du PFM de l’Armée française, qui est en cours et devrait se terminer fin 2020, ayant pour but de pouvoir déployer en opération une version très mobile et très simple du PFM. Ce PFM rénové de l’Armée Française possède désormais des moteurs plus puissants (90 CV vs 75 CV), une télécommande unique de pilotage, des rampes courtes intégrées aux modules, ainsi que des camions de transport adaptés à d’autres opérations logistiques. Ces améliorations permettent de répondre aux nouveaux enjeux en opérations extérieures : aérotransportabilité, réduction et optimisation des ressources humaines nécessaires au déploiement des ponts flottants et réduction de l’empreinte logistique globale. Nous travaillons depuis deux ans sur un PFM Nouvelle Génération qui gardera les avantages opérationnels du système PFM (intégration des moteurs, facilité de déploiement, rapidité de construction du pont, pas besoin de bateaux pousseurs) tout en étant qualifié pour un franchissement plus important : la capacité va donc passer de 70 tonnes à 85 tonnes pour permettre le franchissement de tous les chars existants (Leclerc, Abrams, etc.), avec deux versions des modules, la longueur ‘historique’ de 10 m pouvant être transportée sur semi-remorques et des modules plus courts de 7m de long transportés sur des camions standards 8x8. Le but est de le qualifier OTAN au cours de l’année 2021 pour pouvoir participer à la rénovation des équipements de la plupart des pays européens. C’est ce que nous devions présenter à Eurosatory 2020…

SDBR News : Vous avez évoqué la surveillance par ballon captif. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Ballon captif de CNIM Air Space

Xavier Montazel : CNIM a acquis en 2019 la société Airstar Aerospace qui travaillait avec les grands donneurs d’ordre de la défense, de l’aéronautique et du spatial. CNIM Air Space est donc aujourd’hui un acteur majeur dans les domaines de la conception et de la fabrication d’aérostats (ballons captifs, ballons stratosphériques et dirigeables) et de protections thermiques pour satellites. Nous proposons des solutions pour la surveillance des grands événements, des bases déportées (Mali par exemple), ou pour faire des sémaphores aériens (surveillance maritime). En surveillance, nous intégrons à la plateforme développée par CNIM Air Space des caméras, des radars de détection, des capteurs Bertin et nous fournissons la station sol. Les ballons captifs CNIM Air Space permettent d’embarquer des charges utiles répondant à des besoins de surveillance et/ou de télécommunication. La grande valeur ajoutée des ballons captifs, par rapport aux drones et aux aéronefs, est leur persistance. Cette persistance offre aux ballons captifs la capacité de mener des opérations de plusieurs mois, en embarquant jusqu’à 250 kg de charge utile et jusqu'à 1000 m d’altitude.

 https://cnim.com 

  • La Marine Nationale ne dit plus BPC (pour bâtiment de projection et de commandement) mais PHA (pour porte-hélicoptères amphibie)

  • Crédits photos : CNIM et Milrem