Interview d’Alain Bauer - A propos de son dernier livre
/SDBR News : Après des ouvrages sur la franc-maçonnerie, la criminologie ou l’espionnage, voila que vous publiez « Au commencement était la guerre ». Pourquoi vous être intéressé à ce sujet ?
Alain Bauer : Depuis les années 80, j’ai suivi les dossiers de Sécurité, Défense ou Renseignement pour Michel Rocard puis, au fil du temps, les sujets relevant de la Criminologie, des Cybermenaces et de la gestion des Crises. Au delà de mes engagements personnels, que j’ai toujours voulu transparents, il me semblait important de travailler pour fournir des outils de compréhension et d’analyse à mes étudiants et au grand public. Ayant vécu, entre 1988 et 1990, les grands bouleversements dont nous subissons aujourd’hui les conséquences de manière de plus en plus aiguë, il m’a semblé important de faire de même avec la guerre qui revient. Non seulement pour expliquer les sources du conflit ukrainien, mais aussi la grande réorganisation géostratégique mondiale, le réveil des anciens Empires et les enjeux pour la France.
SDBR News : Pensez-vous que la France soit au bord d’un précipice dangereux ?
Alain Bauer : Elle est face à des enjeux considérables et des risques majeurs. Il s’agit moins d’un «précipice» que de la manière de garantir sa souveraineté et de disposer des moyens de défense opérationnelle du territoire, d’équipements, de munitions, d’une capacité à résister à la haute intensité et à la longue intensité, sans compter seulement sur la dissuasion nucléaire. Rarement depuis 1945, la situation n’aura été aussi instable et l’influence occidentale aussi menacée.
SDBR News : Pour vous, qui sont aujourd’hui les ennemis de la France ?
Alain Bauer : La France, en raison de son histoire coloniale et de sa posture internationale, de ses spécificités (laïcité notamment), mais aussi de ses erreurs diplomatiques, de sa concurrence avec certains alliés, de la marque forte du Général de Gaulle, n’a pas que des amis. Mais elle en perd plus qu’elle n’en a gagné et a du mal à retrouver son espace en Europe, comme dans les alliances. L’important est de pouvoir toujours décider en souveraineté. Cette dernière est nettement moins affirmée depuis que la recherche aveugle des « dividendes » de la Paix a conduit au désarmement industriel et militaire du pays par les comptables qui ont pris le pouvoir.
SDBR News : Y a-t-il un message d’espoir dans votre livre ?
Alain Bauer : Toujours ! La capacité, la volonté, l’esprit de résistance, notamment de la jeunesse, restent intacts. Certes les mobilisations sont souvent atypiques et parfois perturbantes, mais en France, en Iran et dans de nombreux pays, la capacité à se mobiliser pour des causes qui dépassent les égoïsmes personnels et les logiques consuméristes reste présente. Aux citoyennes et citoyens de les mobiliser pour des raisons aussi patriotiques que démocratiques.
Note de l’éditeur Fayard
"Voici donc venu le temps d'appréhender le monde tel qu'il est plutôt que de l'ignorer, de le comprendre plutôt que de le rêver, de le travailler plutôt que de le consommer. De préparer la guerre qui vient pour retenir la paix qui s'en va. De s'employer à faire l'Histoire pour n'être pas dévoré par elle. D'accepter que, tant que l'Histoire a cours, toute ligne de vie puisse un jour avoir à se transformer en ligne de front. Au commencement était la guerre, espérons finir en paix". "De fait, l'humanité semble condamnée à vivre perpétuellement entre conflits et intermèdes pacifiques. Depuis l'affirmation de la domination de l'anthropocène, la construction de sociétés humaines, de plus en plus complexes, s'accompagne de guerres tribales, locales, continentales ou mondiales. Le cœur du monde bat au rythme de ces conflits qui arrachent en permanence à l'inventivité humaine des progrès nouveaux autant pour détruire que pour restaurer, autant pour tuer à coup sûr que pour mettre en sûreté, autant pour conquérir que pour sanctuariser". "Maintenant qu'avec l'illusion du bonheur s'effondre celle d'une civilisation mondiale, maintenant que la guerre entre partout en tension avec la paix dans la renaissance sanglante de l'Histoire, il est temps de découvrir qu'il y a une guerre et quels sont ses visages".
Alain Bauer est professeur au Conservatoire national des arts et métiers, responsable scientifique du Pôle sécurité, défense, renseignement, criminologie, cybermenaces et crises (PSDR3C/ESDR3C). Il enseigne également à New York, Shanghai et dans les écoles spécialisées. Il a publié de nombreux ouvrages sur les sujets de sa spécialité.
https://www.fayard.fr/documents-temoignages/au-commencement-etait-la-guerre-9782213725802