Conférence de presse conjointe de Vladimir Poutine et Alexandre Loukachenko

Conférence de presse conjointe entre le président de la Russie, Vladimir Poutine et le président du Belarus, Alexandre Loukachenko - 13 mars 2025, 19 :00 Moscou, Kremlin

 Contexte: Les pourparlers entre le dirigeant russe et le dirigeant biélorusse prennent fin et les deux hommes se prêtent au jeu de la conférence de presse après avoir signé divers accords entre les deux pays. De ces interventions, il convient de retenir non seulement l’intervention du président Poutine décrivant sa vision du conflit avec l’Ukraine et de la suspension des hostilités, mais aussi les axes de développement technologiques entre la Russie et la Biélorussie. Autre point important, la possibilité pour les résidents de voter aux élections locales dans le pays de l’Etat-Uni Russie-Bielorussie dont ils n’ont pas la nationalité. Dr-HDR Gaël-Georges Moullec

Les passages surlignés en gras relèvent du choix de la rédaction. AE

Vladimir Poutine : Cher Alexandre Grigorievitch, chers collègues, chers amis, mesdames et messieurs ! […]

Les possibilités de participation plus active des citoyens à la vie publique et politique se multiplient. Ainsi, conformément au protocole sur les amendements au traité de 1998 sur l'égalité des droits des citoyens des deux pays, signé aujourd'hui, les Russes résidant de manière permanente au Belarus et les Biélorusses vivant de manière permanente en Russie peuvent désormais participer aux élections locales à la fois en tant qu'électeurs et en tant que candidats […].

Compte tenu de la situation tendue dans le monde, dans la région européenne, y compris aux frontières de nos pays, les parties ont discuté en détail des questions relatives à la formation d'un espace de défense commun. Un groupement régional conjoint de troupes, des complexes de défense modernes russes et des armes nucléaires tactiques sont déployés sur le territoire biélorusse. Tout cela couvre de manière fiable les frontières occidentales de l'État Unie [Russia-Belarus] de l'Union et de l'Organisation du traité de sécurité collective.

Aujourd'hui, les instruments de ratification du traité bilatéral sur les assurances de sécurité signé à Minsk le 6 décembre 2024 ont été échangés, ce qui a permis l'entrée en vigueur du traité.

Je rappelle que ce document définit les obligations mutuelles des alliés pour assurer la défense et la sécurité de la Russie et du Belarus, en utilisant tout l'arsenal de forces et de moyens disponibles.

Alexandre Loukachenko : Cher Vladimir Vladimirovitch, chers représentants des médias !

La pression sur le Belarus et la Russie ne faiblit pas, même s'il est déjà clair pour tout le monde que ces restrictions touchent davantage les pays qui les ont introduites. Nous avons eu l'occasion de réfléchir sérieusement aux perspectives de notre développement et nous avons été convaincus qu'après un certain temps, nous surmonterons complètement ces pressions […].

Le Belarus et la Russie ont besoin d'une percée technologique pour l'avenir de nos pays et de nos peuples. Nous avons tout ce qu'il faut pour cela et même plus que ce dont nous avons besoin. Nous avons juste besoin d'un peu de temps, comme je le dis toujours […].

Les orientations du développement sont également connues - Vladimir Vladimirovitch a dit : l'intelligence artificielle, la biotechnologie quantique, la microélectronique, la robotique, les nouveaux matériaux, la fusion thermonucléaire, la production de véhicules aériens sans pilote et beaucoup, beaucoup d'autres choses, que j'ai énumérées […]

Ce sera un grand honneur pour nous de participer au défilé anniversaire de la Victoire sur la Place Rouge à Moscou le 9 mai 2025. Nous nous souvenons et honorons l'exploit héroïque du peuple soviétique, de nos pères, grands-pères et arrière-grands-pères. L'essentiel aujourd'hui est d'être digne de leur mémoire et d'empêcher la réhabilitation du nazisme et la réécriture de l'histoire […].

Question de la journaliste Natalia Breus.

Alexandre Grigorievitch, Vladimir Vladimirovitch, ma question : dites-moi si la normalisation des relations entre Moscou et Washington affectera ou non le travail de l'Etat-Uni sur la substitution des importations ? Il y a beaucoup de projets aujourd'hui, nous en parlons à chaque fois que nous travaillons. Mais si les entreprises occidentales veulent revenir, que se passera-t-il ? Tous ces efforts pour renforcer la souveraineté technologique seront-ils réduits à néant ?

Vladimir Poutine : En ce qui concerne la substitution des importations et tout ce qui y est lié, avec des restrictions illégales, appelées sanctions, etc...

Tout d'abord, nos soi-disant partenaires nous ont bien vaccinés - le vaccin de l'indépendance et de la souveraineté. C'est pourquoi nous poursuivrons certainement tous nos programmes visant à renforcer notre souveraineté technologique. Nous ne nous sommes fermés à personne et nous n'avons expulsé personne. À ceux qui veulent revenir, nous disons : bienvenue, welcome à tout moment ! Mais, bien sûr, nous partirons de la situation qui s'est développée jusqu'à présent : si des niches sont occupées, alors elles sont occupées et nous ne créerons pas de préférences pour que quiconque revienne sur notre marché.

En outre, nous essaierons, et le gouvernement a déjà reçu une instruction en ce sens, de respecter les normes de l'OMC, tout en accordant certains avantages à nos producteurs nationaux.

En ce qui concerne les orientations fondamentales, les orientations transversales liées à l'avenir de nos économies, liées à l'avenir des industries, bien sûr, nous serons orientés vers les exigences d'une nouvelle conversion technologique, d'une nouvelle étape technologique et nous donnerons la priorité à cela.

En même temps, le retour de certains partenaires occidentaux sur notre marché peut avoir un effet favorable sur les activités de leurs entreprises et de nos entreprises. Aujourd'hui déjà, nous négocions de manière confidentielle, à l'initiative de certains de nos partenaires, sur leur éventuel retour sur notre marché. Tout se passe dans le calme, dans l'honneur, dans le respect des uns et des autres et dans le respect des intérêts mutuels. […].

Question de la journaliste Olga Knyazeva : Bonjour !

Première question à Vladimir Vladimirovitch : comment évaluez-vous l'état de préparation de l'Ukraine à un cessez-le-feu ? Avez-vous déjà reçu des informations de la part des Américains et quelle sera votre réponse ? Je voudrais également vous demander Alexandre Grigorievitch et à vous, Vladimir Vladimirovitch, de répondre à la deuxième question : Moscou et Minsk coordonnent-ils leurs positions sur le processus de paix et y a-t-il déjà eu des consultations à ce sujet ? Merci.

Vladimir Poutine : En ce qui concerne la volonté de l'Ukraine de conclure un cessez-le-feu, je dirai aussi, bien sûr, comment je l'évalue.

Mais tout d'abord, je voudrais commencer par remercier le président des États-Unis, Monsieur Trump, d'avoir accordé autant d'attention au règlement en Ukraine. Nous avons tous nos propres affaires courantes. Mais de nombreux chefs d'État : le président de la République populaire de Chine, le Premier ministre de l'Inde, les présidents du Brésil et de la République d'Afrique du Sud sont engagés dans cette question et y consacrent beaucoup de temps. Nous leur en sommes tous reconnaissants, car cette activité vise à accomplir une noble mission - celle de mettre fin aux hostilités et aux pertes de vies humaines. Premièrement.

Deuxièmement. Nous sommes d'accord avec les propositions de cessation des hostilités, mais à condition que cette cessation conduise à une paix à long terme et s'attaque aux causes premières de cette crise.

En ce qui concerne la volonté de l'Ukraine de cesser les hostilités. Vous savez, la réunion américano-ukrainienne en Arabie saoudite peut apparaître comme une décision prise par la partie ukrainienne sous la pression américaine. En fait, je suis absolument convaincu que la partie ukrainienne aurait dû demander aux Américains de se mêler de cela de manière la plus urgente, sur la base de la situation sur le terrain, comme cela vient d'être dit ici.

Et qu'en est-il ? Beaucoup de gens ont certainement remarqué et vu qu'hier, j'étais dans la région de Koursk et que j'ai écouté les rapports du chef de l’État-major général, du commandant du groupe "Nord" et de son adjoint sur la situation dans la zone frontalière, surtout dans la région de Koursk, ou plutôt dans le « coin » [mis par les Ukrainiens] dans la région de Koursk.

Que se passe-t-il là-bas ? La situation là-bas est entièrement sous notre contrôle, et le groupement qui a envahi notre territoire est isolé. Il s'agit d'un isolement complet et d'un contrôle total du feu. Les troupes ukrainiennes ont perdu le contrôle de la zone d'invasion. Et si au début, il y a une semaine ou deux, les militaires ukrainiens ont essayé de sortir de là par petits groupes, c'est désormais impossible [pour eux]. Ils essaient de quitter [notre territoire] en très petits groupes - deux ou trois personnes - parce que tout est sous le contrôle total de nos armes.

[Leur] matériel [militaire] est complètement abandonné, il est impossible de le sortir, il restera là, c'est déjà garanti. Et si un encerclement physique se produit dans les prochains jours, personne ne pourra sortir du tout. Il n'y aura que deux possibilités [pour les Ukrainiens] : se rendre ou mourir. Dans ces conditions, je pense qu'il serait bon que la partie ukrainienne parvienne à un cessez-le-feu d'au moins 30 jours. Nous y sommes favorables, mais il y a des nuances. Et quelles sont-elles ?

Premièrement. Qu'allons-nous faire de ce coin mis [par les Ukrainiens] dans la région de Koursk ? Si nous cessons les hostilités pendant 30 jours, qu'est-ce que cela signifie ? Que tous ceux qui s'y trouvent s'en iront sans se battre ? Sommes-nous censés les laisser sortir de là après qu'ils aient commis un grand nombre de crimes contre des civils ? Ou bien les dirigeants ukrainiens leur donneront-ils l'ordre de déposer les armes et de se rendre ? Comment cela se passera-t-il ? Ce n'est pas clair.

Et comment les autres questions seront-elles résolues tout au long de la ligne de contact ? Celle-ci s'étend sur près de deux mille kilomètres. Et là, comme vous le savez, les troupes russes progressent dans pratiquement toutes les zones de contact. Et là aussi, les conditions sont créées pour que nous puissions prendre des unités entières assez importantes dans un encerclement.

Comment ces 30 jours seront-ils utilisés ? Avec la poursuite de la mobilisation forcée en Ukraine ? Avec la fourniture d'armes sur place ? Avec l'entraînement des unités nouvellement mobilisées ? Ou bien rien du tout  de cela ne sera fait ?

La question qui se pose alors est la suivante : comment les questions de contrôle et de vérification seront-elles traitées ? Comment pouvons-nous et comment pourrons-nous avoir la garantie que rien ne se produira ? Comment le contrôle sera-t-il organisé ? J'espère qu'au niveau du bon sens, tout cela est clair pour tout le monde. Ce sont des questions sérieuses.

Et qui donnera l'ordre de cesser le combat ? Et quel est la valeur de ces ordres ? Imaginez : près de deux mille kilomètres ! Qui déterminera où et qui a violé un éventuel accord de cessez-le-feu sur deux mille kilomètres ? Et qui accusera qui d'avoir violé cet accord ? Autant de questions qui nécessitent des recherches approfondies de part et d'autre.

Par conséquent, l'idée en soi est bonne et nous la soutenons certainement, mais il y a des questions dont nous devons discuter. Je pense que nous devons en parler à nos collègues et partenaires américains, et peut-être appeler le président Trump pour en discuter avec lui. Mais nous soutenons l'idée de mettre fin à ce conflit de manière pacifique.

Alexandre Loukachenko : Je voudrais attirer l'attention du journaliste sur le fait que Vladimir Vladimirovitch a déjà dit en partie plus que la question posée ici, et qu'il s'est projeté dans l'avenir - et a même révélé un peu, dans ses thèses, certaines orientations de la prochaine rencontre avec les représentants américains. Il est difficile d'ajouter quoi que ce soit ici […].

La Russie et le Belarus ne sont pas les principaux responsables de ce qui se passe là-bas.

[…] Je me souviens du moment où nous avons entamé le processus de négociation à Gomel, puis à Belovezhskaya Puchtch, quelques jours après le début du conflit [en 2022] : « les gars, négocions, il n'y a pas besoin de guerre, en aucun cas ». Je parlais à Volodya Zelensky au même moment, je lui ai dit : « ne cherchez pas les coupables maintenant, nous les trouverons plus tard ; la guerre se déroule dans ton pays, et c’est toi qui devra répondre du fait que la guerre se déroule sur le territoire de l'Ukraine ». Et puis je lui ai dit : « souviens-toi, c'est un classique de l'histoire - demain, les dirigeants américains changeront, et où tu seras ? ». C'était comme lire dans un livre ouvert.

Pour répondre directement à votre question, les Ukrainiens auraient dû cesser le feu depuis longtemps et s'asseoir à la table des négociations. Et surtout, nous maintenons des contacts - je l'ai dit à Vladimir Vladimirovitch - avec les Américains et d'autres Occidentaux, sans les rendre publics, et je leur dis toujours : « mais c’est vous qui avez poussé [Zelensky], ce gars inexpérimenté dans cette guerre ».

Ukraine etat du front 10-03-2025

Pourtant, tout a commencé avec une personne que Vladimir Vladimirovitch et moi-même connaissons : Porochenko (président de l'Ukraine de 2014 à 2019). Il avait toutes les cartes en main après avoir signé les accords de Minsk, et il avait tous les atouts : « allez, arrêtez » - et il n'y aurait plus rien eu de tout cela, et le Donbass aurait accepté, j'en suis sûr, et le Donbass aurait fait partie de l'Ukraine. « Non, c'est impossible. Il y aura des élections là-bas. Et comment allons-nous organiser des élections ? ».

Je lui réponds : écoute, tu as aujourd’hui la hryvnia ukrainienne qui est la monnaie qui circule là-bas [au Donbass] – que veux-tu d’autre ? Mais, où est-elle maintenant cette monnaie ? [Maintenant dans le Donbass] il n’y a plus de hryvnia, plus d'élections, il n’y a plus que la guerre et des gens qui souffrent. C'est avec [Porochenko] que tout a commencé […]

Celui-là [Zelensky] a promis de mettre fin à la guerre. L'occasion se présentait. Pourquoi n'a-t-il pas mis fin à la confrontation ? Il aurait dû le faire depuis longtemps, mais il ne l'a pas fait.

Quant à notre position, j'ai déjà dit que nous en avons une commune. Mais je voudrais attirer votre attention, puisque nous rencontrons des journalistes, j’ai une nouvelle prophétie : si les Russes et la Russie parviennent à un accord avec les États-Unis, l'Europe et l'Ukraine sont « entubées ». Car dans le processus de négociation entre la Russie et les États-Unis, le sort de cette Europe - qui s'est comportée et se comporte encore jusqu'à présent et dans l’avenir, pour le moment uniquement dans les médias, de manière myope, est entre les mains de ces deux pays.

Le plus important, c'est que nous ne nous laissions pas berner par des promesses. Nous connaissons nos objectifs et nos intérêts. Je l’ai déjà dit, Vladimir Vladimirovitch, dans cette situation, lorsque la Maison Blanche et pas seulement elle, s’est essuyée les pieds sur Zelensky, celui-ci ferait bien d'utiliser son cerveau, de s'asseoir et de s’accorder avec nous. Car les trois peuples slaves ont toujours vécu dans une situation normale et trouvent des solutions. Regardez : personne n'aidera l'Ukraine. Les Américains ont-ils soulevé la question des terres rares au début de la guerre ? Non. Mais maintenant, ils le font.

On pourrait penser que Zelensky a raison, car [les Américains] n'en ont jamais parlé à l'époque. Et pourtant, [les Ukrainiens] devront se soumettre : la terre noire sera exportée et les terres rares seront prises et, que Dieu les en préserve, que tout le reste soit aussi emporté. C'est pourquoi [Zelensky] reviendra ici – si ce n’est pas lui cela sera un nouveau président – ici [à Moscou] et il s'appuiera sur les forces communes [des Slaves].

[Certains] veulent que nous nous entretuions [entre Slaves]. Nous le comprenons, mais l'autre camp [les Ukrainiens] ne le comprend pas. Laissons-les donc réfléchir.

Notre cause est juste !

Vladimir Poutine : Je voulais ajouter quelque chose à ce qu'a dit Alexandre Grigorievitch à propos de « l’entubage » de l'Europe. Si les États-Unis et la Russie se mettent d'accord sur quelque chose. Oui, en effet : si, par exemple, les États-Unis et la Russie se mettent d'accord sur une coopération dans le secteur de l'énergie, un gazoduc pour l'Europe peut être mis en place, et cela profitera à l'Europe, parce qu'elle recevra du gaz russe bon marché.

Alexandre Lukachenko : C'est ce que je voulais dire.

Vladimir Poutine : C'est exactement ce que j'avais compris.

Quant à la situation sur le terrain, comme je l'ai dit et comme l'a dit Alexandre Grigorievitch, elle évolue rapidement. Hier, au cours d'un rapport, le commandant du groupe « Nord » et son adjoint m'ont dit : demain, Soudja sera entre nos mains. C'est exactement ce qui s'est passé.

Je tiens à remercier tous nos combattants qui ont accompli cette tâche. Je suis convaincu que tous les plans qui ont été définis pour réduire le coin dans la région de Koursk seront mis en œuvre de la même manière que dans les autres zones de contact. Non seulement Soudja, mais aussi les localités adjacentes, nous les prenons maintenant une par une - toutes les localités adjacentes, toutes les agglomérations. En fonction de l'évolution de la situation sur le terrain, nous nous mettrons d'accord sur les prochaines étapes afin de mettre fin au conflit et de parvenir à des accords acceptables par tous […].

Dr-HDR Gaël-Georges Moullec

Crédits photos: BFM, AFP