Sixième édition des «Naval Innovation Days»
L’innovation au service de la souveraineté
Depuis 2016, Naval Group* rassemble tous les deux ans ses clients et ses partenaires pour ce qui a été baptisé « Naval Innovation Days ». Il s’agit de leur montrer les projets de R&D les plus structurants pour répondre aux enjeux du naval de défense, le but étant de construire le naval de demain.
Il y a deux ans**, Pierre-Eric Pommellet PDG de Naval Group nous disait : « il s’agit de développer des technologies différenciantes pour maintenir la supériorité opérationnelle des navires et donc inventer le navire du futur, avec 6 axes stratégiques d’innovation : navire invulnérable ; navire intelligent ; combat aéromaritime collaboratif ; maintien de la supériorité opérationnelle au Combat ; autonomie, éco-conception et performance énergétique des navires ; industrie navale du futur ».
La force de Naval Group est de pouvoir s’appuyer sur 1800 collaborateurs impliqués dans des projets de R&D et représentant 85 domaines d’expertise. Il existe 20 laboratoires d’innovation au sein de naval Group, qui sont alimentés par un budget annuel de recherche et développement de 100M€ et déposent en moyenne 35 brevets par an.
Deux ans plus tard, ces 6 axes d’innovation sont confirmés et, pour les illustrer, nous avons pu plonger au cœur de cinq projets innovants : intégration physique des drones, lanceur modulaire polyvalent, autonomie décisionnelle contrôlée, surveillance des structures navales (navscreen) et système de gestion de l’énergie (leanwarship).
1/ Intégration physique des drones à bord des navires
Renseignement, surveillance, reconnaissance, combat : partout, les drones et systèmes autonomes viennent augmenter les capacités opérationnelles des marines en réduisant l’exposition du marin. Leur déploiement sur tous les navires de combat exige des solutions d’intégration fiables, robustes, simples à mettre en œuvre, à exploiter et à maintenir.
Deux exemples de projets collaboratifs :
• Pour lancer un petit drone aérien depuis un sous-marin, Naval Group développe depuis 2020 une solution constituée d’un cocon étanche permettant de mettre en œuvre depuis un sous-marin un drone aérien Diodon. Le système a été testé sur un sous-marin nucléaire d’attaque en 2023 et Naval Group continuera à l’améliorer pour en faciliter la mise en œuvre et en augmenter la portée.
• Dans la perspective d’intégrer un maximum de drones aériens différents sur le plus de plateformes possibles, la « drone box » est un exemple de solutions sur lesquelles travaille Naval Group pour équiper les flottes. La « drone box » est une boîte tout-en-un, peu encombrante, qui permet de lancer et récupérer un drone aérien. L’intérêt de ce projet est de pas avoir besoin d’un homme à bord pour récupérer le drone et de développer des systèmes de stabilisation permettant de compenser les agressions du milieu marin en acceptant une gite de 15° !
2/ Autonomie décisionnelle contrôlée des drones
L’autonomie décisionnelle contrôlée est une nouvelle technologie basée sur l’intelligence artificielle et le « man-machine teaming », qui permet à l’opérateur de fixer aux systèmes autonomes des objectifs de mission et des contraintes temporelles ou spatiales de réalisation de sa mission ; puis le système autonome propose des schéma d’exécution de sa mission à l’opérateur qui le valide. En cours de réalisation de la mission, l’autonomie décisionnelle contrôlée offre une solution inédite ; grâce à l’intelligence artificielle embarquée, le système autonome peut adapter sa route en cas d’évènement non prévu pour poursuivre la mission dans le respect de la doctrine fixée en amont. Il rend régulièrement compte à l’opérateur. En cas de perte de communication, le jumeau numérique (un algorithme qui utilise l’intelligence artificielle) prend le relais, à l’instar d’un GPS qui continue d’afficher notre trajectoire et de nous guider lorsque nous sommes sous un tunnel. Il exploite les senseurs du système autonome (caméra classique ou infrarouge, radar ou sonar) pour se reconfigurer en fonction des aléas rencontrés. Cette capacité lui confère un caractère autonome, à la différence des systèmes téléopérés.
Depuis 10 ans, plusieurs expériences menées avec des drones ont permis de développer des critères de confiance, avec des objectifs de haut niveau de test et de contraintes, et avec des tests de capacité du drone à re-planifier sa mission grâce à son jumeau numérique. Naval Group commence à déployer des drones avec ses partenaires pour permettre à terme d’intégrer les drones à part entière dans le combat naval collaboratif.
3/ Un seul lanceur pour de multiples moyens d’autodéfense
Le développement d’un système de lanceurs modulaires polyvalents (LMP), capable de mettre en œuvre de multiples vecteurs, est une véritable rupture technologique, fruit d’un travail en liaison avec la Marine Nationale et la DGA. Il est parfaitement adapté à un contexte de menaces asymétriques, protéiformes, voire de haute intensité, caractérisé par la montée en puissance des drones (entre autres les essaims de drones). Le LMP, c’est à la fois une capacité d’autodéfense en champ proche (jusqu’à 8 kilomètres) considérablement accrue, la possibilité d’intégrer des capacités supplémentaires à bord (roquettes, missiles, grenades, armes sous-marines, leurres, drones) et un emport plus important en munitions : environ 1000 kilos de charge utile grâce à sa technologie de modules munitions interchangeables.
Le LMP est une tourelle mobile capable de se déplacer sur deux axes, circulaire et en élévation. Le système intègre les calculateurs balistiques qui lui permettent d’atteindre des cibles en mouvement et peut fonctionner en mode autonome ou connecté au système de combat.
L’objectif est un développement à deux ans, pour ensuite être monté sur des bateaux de 1er rang*** (FDA, FREMM) et 2ème rang (FLF, FS).
4/ Surveillance des structures navales (Navscreen)
Les exigences des opérations navales imposent au navire de combat de fortes contraintes. Pour optimiser la performance de son navire, le commandant doit en connaitre les limites, toutes déterminées par des standards lors de la conception et de la construction du navire.
Le système « Navscreen » conçu par Naval Group est une solution de surveillance des structures, qui permet au commandant d’en surveiller la résistance et d’en évaluer, en temps réel, la capacité à soutenir des efforts, pour permettre d’augmenter le domaine d’emploi du navire.
Grâce à ses capteurs qui collectent des données sur l’état de la structure, l’interface homme-machine « Navscreen » combine l’expertise en matériaux composites et en mathématiques appliquées de Naval Group, pour apporter au marin une précieuse aide à la décision et lui permettre de réaliser les opérations de maintenance au juste moment. L’objectif est de suivre les pièces critiques à bord en fonction des besoins du navire, particulièrement en cas de mer forte ou de combat de haute intensité.
5/ Système de gestion de l’énergie ( LeanWarShip)
« LeanWarShip » donne au marin une vue globale sur la gestion des sources d’énergie et les consommateurs du navire. Le but est d’anticiper la consommation de l’énergie, ressource très importante à bord, et d’arriver à une gestion tactique de l’énergie.
La propulsion pèse pour 80 % de cette consommation, les 20 % restants étant utilisés par les équipements et les systèmes de vie et de combat. L’application LeanWarShip agrège les mesures des données énergétiques collectées à bord par différents capteurs et les compare en temps réel à des prédictions modélisées dans le logiciel. Il est capable d’établir un état de santé des équipements électriques à partir de profils de consommation courants. Tout écart attire l’attention du marin qui peut agir en conséquence. Le logiciel permet aussi de planifier différents usages du navire (mission, route, vitesse, utilisation des équipements…) et d’estimer les performances énergétiques associées. En cas d’avarie, le marin est en mesure de reconfigurer les sources d’énergie et les consommateurs. L’application optimise la maintenance grâce aux données collectées et transmises en temps réel, qui renseignent sur la disponibilité technique des équipements.
L’objectif à court terme est d’intégrer le dispositif sur un navire en opération, équipé de multiples capteurs électriques afin de récupérer des données opérationnelles.
L’évolution du combat naval
Lors d’une précédente édition des « Innovation Days », Naval Group avait présenté la fabrication additive et l’utilisation possible des matériaux composites. Ces deux avancées technologiques sont maintenant intégrées à la production industrielle. Aujourd’hui, l’objectif est de donner à la Marine Nationale des capacités à traiter les nouvelles menaces.
L’un des axes d’innovation pour y arriver est de mettre en réseau la force navale, avec des navires connectés à très haut débit et très faible temps de latence, pour en faire une force navale collaborative.
L’autre axe d’innovation est l’accélération de la dronisation navale, comme on l’observe dans les grandes marines étrangères (Chine, Allemagne, Israël, etc.) : drones de longue endurance, drones aériens, drones de surface, drones sous-marins, tous intégrés aux bateaux.
En France, les drones sont considérés comme un appoint au combat naval et non comme une substitution aux forces navales habitées que nous connaissons. Pour autant, les projets innovants qui nous ont été présentés font partie de cette évolution du combat naval, dans laquelle l’autonomie apportera une plus-value à l’utilisation de solutions dronisées.
Naval Group n’ayant pas vocation à fabriquer des drones, les innovations passent donc par des collaborations avec les acteurs de l’écosystème.
Naval Group met en place les moyens nécessaires au démarrage d’une production de solutions dronisées, mais c’est l’Etat français qui détient la clé financière de cette évolution.
Le risque est donc de vivre avec les projets de drones souverains pour le naval de défense, ce que la France a connu dans l’aérien avec le fiasco du drone MALE…
***FDA : frégate de défense aérienne - FREMM : frégate multimissoins - FLF : frégate légère furtive - FS ; frégate de surveillance.
Crédits photos: Naval Group