Interview de Lionel Quétel - Engineering Manager @ IDIL
/SDBR News: IDIL* a t’elle été une société pionnière de la Technopole de Lannion ?
Lionel Quétel : En effet, l’entreprise a été fondée en 1995 à Lannion par Patrice Le Boudec**, bien avant que n’y arrivent d’autres entreprises de la filière photonique. IDIL est avant tout une entreprise d’ingénierie et nous faisons ce que des plus gros que nous ne veulent pas ou ne savent pas faire, ce qui génère des moyennes et petites séries dans le domaine des technologies fibres optiques et lasers. Être une entreprise d’ingénierie signifie qu’un client peut venir nous voir avec une idée ou un cahier des charges que nous allons développer et appliquer : c’est du travail à façon. C’est ce que nous faisons depuis l’origine de l’entreprise. Nous sommes 40 collaborateurs très qualifiés sur une surface de 3000 m² à Lannion***, au cœur du pôle optique français. Nous sommes une entreprise à très forte valeur ajoutée.
SDBR News : Quels exemples d’applications pouvez-vous nous montrer ?
Lionel Quétel : Sans exagération, nous pouvons dire que nous faisons de tout et dans tous les domaines. IDIL est spécialisée dans la conception, le développement, la fabrication et la distribution de solutions photoniques. Nous pouvons allier différentes technologies : assemblages optiques, composants optiques passifs et actifs, capteurs optiques, spectromètres, lasers et systèmes optoélectroniques ; et ainsi, proposer des solutions photoniques sur mesure pour les marchés les plus exigeants : astronomie, spatial, aéronautique, transport, infrastructure, industrie, énergie, environnement, agroalimentaire, science, défense.
Notre éventail de possibilités est très large. Nous partons de la fibre optique avec laquelle nous fabriquons un composant passif, ou bien nous montons une fonction active à partir de ce composant pour fabriquer une source (amplificateur ou laser) ou d’autres fonctions de filtrage. Nous savons faire toutes les fonctions autour des fibres optiques, mais pas forcément dans les longueurs d’ondes télécoms. C’est pourquoi nous sommes spécialisés sur des séries petites ou moyennes, voire sur des produits éphémères. Comme premier exemple d’application, nous pouvons citer notre participation, de 1998 à aujourd’hui, au programme Laser Megajoule de simulation d’essais nucléaires. Autre exemple : un client nous a récemment demandé de développer un capteur pour mesurer la présence de matières organiques dans l’eau d’une trentaine de centrales de traitement des Eaux; il s’agit donc d’une petite série.
SDBR News : Ces capteurs ne sont-ils pas transposables à d’autres milieux ?
Lionel Quétel : Non, car il y a déjà le milieu d’immersion du capteur. La technologie peut être utilisée pour mesurer autre chose, mais dans une configuration et dans un milieu différent : donc le capteur aura un packaging totalement différent, même si à l’intérieur vous aurez toujours des sources, des fibres optiques et des détecteurs. La difficulté de la réalisation de ce type de capteur n’était pas dans la conception optique, qui est notre cœur de métier, mais dans sa conception mécanique, à savoir faire une sonde qui va être plongée dans l’eau avec des pollutions possibles. Tout dépend donc de ce qu’on cherche à capter, de ce qu’on ne veut pas capter et de l’état ambiant : eau de mer, béton, etc.
SDBR News : Quel est le lien commun à capter dans l’eau ou dans du béton ?
Lionel Quétel : C’est la fibre ! Les fibres sont très différentes les unes des autres. Par exemple: la fibre au standard télécom, qui va coûter une dizaine d’euros le kilomètre, et la fibre très compliquée, type micro-structurée que réalise Photonics Bretagne et qui peut coûter jusqu’à 1000 euros du mètre ! IDIL utilise les deux types de fibres : pour le béton nous utilisons de la fibre télécom, pour l’eau nous utilisons des fibres très structurées donc plus onéreuses.
SDBR News : Peut-on parler du programme Laser Megajoule ?
Lionel Quétel : Dans les années 1990s, le Président Jacques Chirac a décidé d’interrompre les essais nucléaires français. Pour autant, nous avons besoin de maintenir le haut niveau de l’expertise française en matière de nucléaire, d’autant plus que nous possédons l’arme atomique. Une solution pour générer des énergies identiques à une explosion nucléaire est d’utiliser des milieux amplificateurs optiques: en irradiant une petite cellule de Tritium avec une énergie de 2 Megajoule pendant quelques nanosecondes. Monsieur Le Boudec a travaillé sur ce projet au tout début, à la création d’IDIL, et nous fournissons aujourd’hui la source qui est un système laser très complexe permettant de choisir les bonnes formes temporelles. Nous fournissons également de nombreux systèmes fibrés qui sont utilisés pour des diagnostics. Ce projet impacte significativement notre chiffre d’affaires au travers du CEA.
SDBR News : Participez-vous à d’autres programmes avec le CEA ?
Lionel Quétel : Oui. Par exemple le CEA nous a demandé de travailler sur un système de vélocimétrie Laser Doppler, une technologie qui permet de mesurer des vitesses uniques ou multiples dans la gamme de 0 à 20 km/s avec une excellente résolution temporelle. La vélocimétrie Laser Doppler est utilisée dans les domaines de la physique des chocs, la physique des plasmas ou l’étude des explosifs. En matière d’explosifs par exemple, cette technologie permet de mesurer la vitesse de dispersion des particules lors d’une explosion ou d’une implosion. Cette solution peut aussi être utilisée pour la mesure de la sollicitation mécanique des matériaux. Là aussi il s’agit de petites séries (environ 6 unités par an), mais à forte valeur ajoutée.
SDBR News : Quelles autres activités pouvez-vous nous citer dans le domaine de la Défense ?
Lionel Quétel : La DGA nous achète des heures de développement et nous travaillons régulièrement avec eux sur certains sujets, que nous développons puis que nous fabriquons. Par exemple, nous travaillons actuellement avec eux sur des nouveaux moyens d’allumer des initiateurs pyrotechniques à partir d’une impulsion laser contrôlée, qu’il faut savoir générer à des niveaux de puissance élevés et transporter sur de longues distances. L’intérêt est d’éviter toute perturbation électromagnétique et de court-circuit éventuel. Ces innovations pourront le cas échéant être proposées sur des applications civiles à d’autres clients.
SDBR News : Naval Group fait-il parti de vos clients ?
Lionel Quétel : En fait nous travaillons pour le naval au travers de la DGA : nous faisons par exemple des capteurs de résistance à base de fibre optique pour les matériaux composites utilisés dans les bateaux, ou bien des capteurs pour mesurer la teneur en CO2 des échappements des bateaux. Comme vous le voyez, beaucoup de domaines et beaucoup d’applications font la richesse de notre entreprise. IDIL s’agrandit et recrute en ce moment de nouveaux collaborateurs, pour participer à l’ingénierie et à la production de composants et systèmes innovants pour le domaine hautement technologique de la photonique.
*https://www.idil-fibres-optiques.com
**Patrice Le Boudec est en outre actuellement Président de l’association Photonics Bretagne.
***https://www.technopole-anticipa.com
Crédits photos: IDIL