Ukraine: tournant fatal ou théatre d'ombres?

Alors que durant la campagne électoral Donald Trump avait promis de “régler le conflit en 24 heures”, il semblerait toutefois, selon des données recueillies par le New-York Times, que l’administration Biden ait autorisé l’Ukraine à utiliser des missiles à longue portée contre le territoire russe[1]. Il s’agirait de missiles ATACMS, d’une portée de 300 kilomètres.

Cette décision arrive quelques heures seulement après que le Chancelier allemand ait eu une conversation téléphonique avec le président Poutine, une première depuis le 2 décembre 2022.

Le 12 septembre 2024, interrogé par le journaliste Pavel Zaroubine au terme de la session plénière du Forum des cultures unies, le président Vladimir Poutine est revenu sur la possible utilisation par l’Ukraine d’armes occidentales à longue portée contre le territoire russe. Pour le président russe, un tel développement changerait l’essence même du conflit, ces armes ne pouvant être utilisées sans l’intervention directe de l’Occident et des pays de l’OTAN.

Dr-HDR Gaël-Georges Moullec (Traducteur)

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12 septembre 2024, 18:55, Saint Petersbourg

Question du journaliste : Ces derniers jours, nous avons vu et entendu à un très haut niveau, au Royaume-Uni et aux États-Unis, que le régime de Kiev serait en mesure de frapper profondément le territoire russe avec des armes occidentales à longue portée. Il semble que cette décision soit sur le point d'être prise ou, apparemment, qu'elle l'ait déjà été. Il s'agit bien sûr d'une chose extraordinaire. Je voulais vous demander de commenter ce qui se passe.

Vladimir Poutine : Il s'agit d'une tentative de substitution de concepts. Car il ne s'agit pas d'autoriser ou d'interdire au régime de Kiev de mener des frappes sur le territoire russe. Il le fait déjà à l'aide de drones et d'autres moyens. Mais lorsqu'il s'agit d'utiliser des armes de précision à longue portée, fabriquées par l'Occident, c'est une toute autre histoire.

Le fait est que - je l'ai déjà mentionné et tous les experts le confirmeront, tant dans notre pays qu'en Occident - l'armée ukrainienne n'est pas capable de frapper avec des systèmes modernes de précision à longue portée de fabrication occidentale. Elle ne peut pas le faire. Cela n'est possible qu'avec l'utilisation de renseignements provenant de satellites, dont l'Ukraine ne dispose pas, de données provenant uniquement de satellites de l'Union Européenne ou des États-Unis - en général, de satellites de l'OTAN. C'est la première chose à faire.

Le deuxième point très important, peut-être le plus important, est que, en fait, seuls les militaires de l'OTAN peuvent effectuer des missions de vol sur ces systèmes de missiles. Les militaires ukrainiens ne peuvent pas le faire.

Il ne s'agit donc pas d'autoriser, ou non,  le régime ukrainien à frapper la Russie avec ces armes. Il s'agit de décider si les pays de l'OTAN sont directement impliqués dans un conflit militaire.

Si cette décision est prise, cela ne signifiera rien de moins que la participation directe des pays de l'OTAN, des États-Unis et des pays européens à la guerre en Ukraine. Il s'agit de leur participation directe, ce qui, bien entendu, modifie considérablement l'essence et la nature même du conflit.

Cela signifie que les pays de l'OTAN, les États-Unis et les pays européens sont en guerre contre la Russie (*). Si tel est le cas, nous prendrons les décisions qui s'imposent en fonction des menaces qui pèseront sur nous, en tenant compte du changement de l'essence même de ce conflit…

Document original en russe : http://kremlin.ru/events/president/transcripts/75092

Ukraine: ligne de front en octobre 2024

(*) Souligné par le traducteur.

[1] https://www.nytimes.com/2024/11/17/us/politics/biden-ukraine-russia-atacms-missiles.html

  • Crédits photos: Courrier International